28/01/2021 L’homme en guerre d’hier à aujourd’hui
L’homme en guerre d’hier à aujourd’hui
Sujet fondamental de l’engagement au sein des peuples, à un moment où l’armée de Terre se prépare résolument à « combattre jusque dans les champs les plus durs de la conflictualité », dans le cadre de la vision stratégique 2035 du CEMAT, la réflexion à propos des « forces morales » demeure indispensable.
Reprendre aujourd‘hui la plume à propos de l’homme en guerre et des forces morales peut paraître superflu après les écrits d’Ardant du Picq, les nombreux témoignages des grands capitaines et des combattants plus ou moins célèbres, les innombrables ouvrages d’histoire et de tactique générale, mais également les métaphores issues de la culture populaire, ayant tous abordé ce sujet fondamental. Ancien combattant, Alain nous en offrait un saisissant témoignage dans Mars ou la guerre jugée (1921) : « Il y a un esprit de corps, une imitation des Anciens, une crainte de ne pas faire ce qu’il faut, qui sont plus forts que la peur dans les moments critiques ».
C’est pourtant, et tous les praticiens le savent bien, l’une des dimensions essentielles à inlassablement entretenir pour conserver la capacité opérationnelle d’une unité et donc l’une des clés du succès dans le combat aéroterrestre, toujours mené dans le milieu le plus complexe, celui où interagissent les hommes.
C’est aussi un domaine mystérieux et de la plus extrême sensibilité au regard des toujours possibles déviances qui peuvent facilement y être associées, domaine de l’ordre de l’intime, où comme nous l’écrivent nos auteurs se mêlent ressorts culturels, religieux, éducatifs, familiaux, patriotiques, individuels et collectifs. Pour augmenter la complexité du débat, ces forces morales s’expriment de manière différente suivant les époques, d’où l’importance d’une prise en compte sans complexe des leçons de l’Histoire et l’étude sans cesse renouvelée de leur perception par la jeune génération.
La Revue militaire générale, depuis sa création en 1906 a de nombreuses fois évoqué ce sujet essentiel pour l’armée de Terre, en particulier à la fin des années 1950. L’armée de Terre poursuit d’ailleurs la parution de sa collection d’ouvrages fondateurs : ainsi, après le livre kaki « Aux sources de l’esprit guerrier », c’est désormais le livre orange « Honneur, courage et dignité » qui décline le récent code d’honneur du soldat.
Les mille exemples de notre longue histoire militaire en permettent l’illustration, ainsi qu’en témoignent en autres les salles d’honneur de nos unités, le cérémonial militaire, les commémorations des fêtes d’armes et l’instruction dispensée de la formation initiale à l’enseignement militaire supérieur. Parmi tant de prestigieux soldats, le caporal Maine, le sergent Casalonga, l’aspirant Zirnheld et le lieutenant Tom Morel ont imprimé un souvenir vivace dans nos mémoires.
S’inspirer du passé pour penser l’avenir, y intégrer les progrès technologiques et les évolutions sociétales, voilà l’exercice difficile auquel se sont livrés nos auteurs, et je les en remercie. L’exercice est structurellement inachevé, l’engagement au milieu des peuples, fil directeur de cette Revue militaire générale, ne pouvant s’abstenir de l’étude du point de vue de l’Autre. Dans cette subtile prise en compte de l’Autre qui est à la fois le partenaire, l’adversaire, les peuples concernés et plus généralement les « autres parties au conflit », il est nécessaire de conserver toute la lucidité pour éviter la montée aux extrêmes, chacun des acteurs pouvant avoir la certitude de la primauté de ses propres forces morales. Nous n’avons pu que constater les limites de cette approche manichéenne et trop cartésienne dans nombre de conflits récents.
Sujet fondamental de l’engagement au sein des peuples, à un moment où l’armée de Terre se prépare résolument à « combattre jusque dans les champs les plus durs de la conflictualité », dans le cadre de la vision stratégique 2035 du CEMAT, la réflexion à propos des « forces morales » demeure indispensable.