16/11/2013 Message du Général Piquemal en hommage à l'aspirant Zirnheld
Message du Général Piquemal lu par Roger Lantz lors de la cérémonie à la mémoire de l'aspirant André Zirnheld
Tradition oblige. Aujourd'hui, pour la septième fois, en présence du colonel Buisson représentant la promotion EMIA André Zirnheld, d'une importante délégation de l'UNP, de l’amicale du 2e RPIMa et d'amis de l'UNP, nous sommes réunis pour rendre un hommage solennel et fervent à André Zirnheld, père de l'émouvante "Prière", héros longtemps oublié, dont il convient d'évoquer la Mémoire et la symbolique du parcours.
Oui, comme l'a dit le commandant Hélie Denoix de Saint Marc : " Que serait un peuple sans mémoire ? Il marcherait dans la nuit…"
Que serait l'UNP si elle n'avait pas eu le souci et l'opportunité de retrouver, grâce à un Ancien du 1er RCP, la trace d'André Zirnheld et de comprendre l'importance de sa prière traduite dans plus de 30 langues et adoptée depuis près de 60 ans par tous les paras ?
Oui aujourd'hui, l'UNP, les parachutistes se souviennent d'un pur héros qui, comme l'a écrit le général BIGEARD, n'a jamais rien demandé.
En un demi-siècle, sa Prière est devenue, comme au temps de la chevalerie, cette bannière déchirée aux vents de tant de combats, ce credo douloureux et mystique qui recouvre tant de larmes, de sang, de sueur et de souffrances.
En effet, de quoi est faite la légende des paras ? De morts, de blessés, de victoires, d'échecs, de grands moments, d'heures de solitude, d'angoisse, de doute vécus par des combattants prestigieux et des soldats illustres, mais aussi d'une multitude d'instants où de simples paras obscurs, partout où le devoir fait signe, ont rempli la mission avec grandeur, abnégation, dans le dépassement de soi. Et cela pour une certaine idée de ce qu'ils représentent, pour la fierté du béret qu'ils portent et celle d'appartenir à cette caste mythique qui aujourd'hui encore parle toujours si puissamment aux imaginations et aux cœurs, notamment des jeunes.
Si on cherche à comprendre le sens de la prière, la première surprise provient du fait qu'elle est datée du 1er avril 1938. Vingt-sept lignes d'une écriture fine et serrée avec la signature soulignée. Vingt-sept lignes dont alors la portée n'était pas mesurable et pourtant….
Pourquoi à ce moment ? Y a-t-il eu un évènement qui le justifie ? Peut-être avait-elle une signification prémonitoire ?
Un témoignage probant nous éclaire sur la personnalité d'André Zirnheld, celui d'une élève d'Hypokhâgne qui l'avait connu alors qu'il était étudiant.
Je la cite "Dans notre petit groupe d'étudiants, encore si avide de s'écouter, si impatient de s'affirmer, André Zirnheld apportait la rigueur, l'imperceptible exigence, une légèreté trompeuse qui masquait une exemplaire modestie."
Plus loin, elle dit encore : "Nous avons appris sa mort en 1943. Nous perdions ce jour-là, doublement dans la distance, dans le temps, le plus cher témoin de notre jeunesse, celui d'un être d'exception."
A la lecture de la prière, le deuxième étonnement provient de ces deux lignes qu'André Zirnheld a écrites :
"Car vous seul donnez
Ce qu'on ne peut obtenir que de soi".
Apparemment, elles semblent un paradoxe. Et pourtant, il n'y en a pas. En effet dans les circonstances difficiles, la force au combat, la capacité à se dépasser, à se transcender, à mourir peut-être sont des vertus qu'on ne trouve qu'en soi-même.
Homme de méditation et homme de foi ZIRNHELD s'est tourné vers DIEU pour lui demander de l'aide à assumer sa condition de guerrier sacrifié et lui donner "la force et la foi " nécessaires qui ne peuvent venir que de lui-même.
Tel est le message de ZIRNHELD légué aux parachutistes.
Le 27 juillet 1942, nous le savons tous, après un raid victorieux contre les forces de l’Axe avec David Stirling où 35 avions de combats ennemis furent détruits, les jeeps d'André Zirnheld et de l'aspirant Martin victimes de crevaisons répétées prirent du retard pour réparer et camoufler les véhicules. Le jour se lève et, vers 7H30, des avions lancés à la poursuite des parachutistes attaquent les deux jeeps qui s'abritent tant bien que mal au pied d'une falaise. André Zirnheld est blessé deux fois par les rafales qui ratissent le désert.
Il souffre terriblement et demande qu'on ne lui donne aucun soin, excepté les comprimés de morphine qui n'ont qu'un effet limité.
Ses compagnons l'entourent et frappés de mutisme contemplent son courage. André Zirnheld sait et voit que la fin est proche.
Peut-être se rappelle t-il cette prière si lointaine écrite à Tunis 4 ans plus tôt ?
Son combat s'achève. Il a tenu sa parole, aller jusqu'au bout pour son pays, la France déchirée et meurtrie comme lui.
Sous le soleil, ce 27 juillet 1942, vers 13 heures, il meurt.
Il entre dans l'Histoire, dans la légende.
Les planches d'une caisse serviront à faire une croix. Sur cette croix, un compagnon gravera à l'aide du poinçon de son couteau:
Aspirant Zirnheld André, Mort au champ d'honneur le 27 juillet 1942.
La nuit venue, ses frères d'armes devaient, allongeant son corps dans une faille rocheuse, assembler un sarcophage de pierres et placer la croix, dernier témoignage d'amitié et de fraternité.
Il était seul dans ce désert. Ses camarades avaient emporté tout ce qu'il possédait de plus intime, de plus secret.
Ils étaient partis, emportant la Prière, qu'ils avaient découverte dans ses papiers.
Par la suite cette poignante prière, écrite par ce jeune philosophe qui prônait l'Action et la Lutte mais demandait aussi, humblement, la Force et la Foi, fut appelée et devint " la Prière du Para".
Aussi, à présent, afin de rendre à la fois un vibrant hommage à André Zirnheld entré depuis longtemps au Panthéon des parachutistes et aussi à tous les parachutistes qui nous ont précédés et qui ont fait don de leur vie et de leur jeunesse à la France sur tous les théâtres du monde, nous allons chanter, avec ferveur, foi et recueillement, la prière de l'EMIA écrite en 1961 par Christian Bernachot, élève officier de la promotion Bourgin 61-62, actuellement membre de la section UNP de la Réunion - prière dont la symbolique est proche de la prière du para qu'André Zirnheld a laissée à l'Histoire.