28/11/2019 Sahel: Paris, droit dans ses rangers, favorise l'option militaire
Lu sur Lignes de défense
Sahel: Paris, droit dans ses rangers, favorise l'option militaire
La stratégie du "tout militaire" aurait-elle vécu au Sahel ?
En mai 2019, l’International Crisis Group avertissait : "La guerre dans le centre du Mali est dans l’impasse" et préconisait de "tenter de discuter avec les jihadistes, en vue notamment de conclure un cessez-le-feu et d’atténuer les violences contre les civils".
Dans son rapport intitulé "Parler aux jihadistes au centre du Mali : le dialogue est-il possible ?", l’ICG reconnaissait cependant que "les appels au dialogue se heurtent aux résistances du gouvernement (malien, ndlr), de ses alliés étrangers et de segments de la société malienne, qui excluent tout compromis avec les jihadistes, eux-mêmes réticents au dialogue".
La France, en particulier, privilégie une réponse militaire face à l’insurrection djihadiste, rappelant que des groupes armés du Sahel sont désignés comme terroristes par les Nations unies et que ces mêmes groupes (GAT, pour groupe armé terroriste) ont tué des soldats français.
En avril 2017, lors d’une visite officielle au Mali, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, a ainsi justifié sa position anti-dialogue en évoquant un compatriote décédé. "Comment peut-on négocier avec les terroristes ? !… Iyad ag Ghaly (l’un des chefs djihadistes) s’est réjoui de la mort du soldat français Julien Barbé".
L’ancien président François Hollande, en visite à Brest, ce mercredi est revenu sur la mort de treize soldats au Mali et sur la menace terroriste au Sahel. Pour lui, "cette menace n’a pas disparu, elle est toujours là, et donc nous devons faire en sorte que la mission aujourd’hui assurée par Barkhane puisse se poursuivre".
Des appels en France
En France, toutefois, des voix s’élèvent dans la classe politique en faveur d’un retrait du Sahel où les forces françaises sont engagées depuis le lancement de l’opération Serval en janvier 2013, suivie de l’opération Barkhane en août 2014.
Le groupe La France Insoumise à l’Assemblée nationale a ainsi appelé, mardi, le gouvernement à "ouvrir une discussion sérieuse et rationnelle pour envisager les voies de sortie d’une guerre dont le sens échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes".
Pas de remise en cause
Les lourdes pertes de lundi au Mali ont donc relancé le débat. Le chef d’état-major des armées, interrogé ce mercredi matin sur France Inter, a estimé que la "tragédie" de la mort de 13 militaires français lundi au Mali ne pouvait pas conduire à "une remise en cause de notre engagement ".
Le général Lecointre a rejeté "tout enlisement. Il a assuré que, même s’il n’y a jamais de "victoire définitive" contre les groupes armés djihadistes, le combat militaire doit se poursuivre. "Il faut être patients et persévérants. Une crise comme celle-là nécessite de la persévérance dans l’action, avec des objectifs à long terme. Il faut éviter la contagion dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ", a-t-il assuré.
Malgré cette intransigeance française, le tabou sur l’ouverture de négociations entre les autorités maliennes et les groupes djihadistes, qui réclament l’application de la Charia et l’érection du Mali en République islamique, se lève lentement.
Le ministre des affaires étrangères du Mali, Tiébilé Dramé, a un temps estimé qu’un dialogue avec les GAT était nécessaire pour faire taire les armes.
L’ancien ministre malien Hassan Barry a rencontré en juin le prédicateur radical Amadou Koufa, chef de la katiba du Macina, qui sévit depuis 2015 dans le centre du Mali. "Nous sommes au courant de cette affaire, qui a eu la bénédiction de certains milieux officiels", a confié une source sécuritaire malienne, lundi.
D’autres canaux d’échanges, européens cette fois et à visée humanitaire, sont aussi ouverts. Très officieusement.
Philippe Chapleau